dimanche 1 mars 2015

La Tanière de la bête (Shunya Itô, 1973)




Nami (Meiko Kaji), recherchée pour meurtre, échappe au policier Kondo (Mikio Narita) après l'avoir amputé d'un bras. Elle rencontre Yuki (Yayoi Watanabe), une jeune prostituée. Un yakuza ayant reconnu Nami tente de lui faire du chantage mais elle parvient à le faire tuer avant, entrainant ainsi la fureur de son clan dirigé par une proxénète ayant connu Nami en prison.

Ce troisième Sasori contient certainement l'introduction la plus mémorable de toute la série : Nami, traquée, est attaquée dans le métro par deux policiers. Elle tue l'un mais l'autre parvient à se menotter à elle ; peu impressionnée, notre héroïne lui tranche le bras et le générique se superposera aux incroyables images de Meiko Kaji, courant au milieu d'une foule inerte attachée à un bras volant. Le policier ainsi amputé se fera le digne successeur du directeur de prison revanchard massacré par Nami dans Elle s'appelait scorpion mais ce volet se singularise également par le fait que la quasi-totalité de l'action a lieu hors-prison, Nami nouant une amitié assez touchante avec une jeune femme dotée d'un frère handicapé mental dont elle accepte de satisfaire les besoins sexuelles. Après avoir fait preuve d'une froideur totale dans l'épisode précédent, Nami s'humanise ici et l'une des meilleures séquences du film sera celle où elle tend la main à une prostituée mourante avant de découvrir que celle-ci cachait une arme, symbole fort transformant la compassion de l'héroïne en arme de lutte.


Le travail visuel de Shunya Itô est tout à fait à la hauteur de celui effectué sur Elle s'appelait scorpion, peut-être même supérieur. Les séquences surréalistes sont nombreuses et réussies : Yuki découvrant Nami cachée derrière une tombe et qui semble dévorer le bras du policier telle une zombie, l'envoi des allumettes dans les égouts, la mort de la prostituée illustrée symboliquement par le décor virant au rouge sang (idée proche du cinéma de Seijun Suzuki, La vie d'un tatoué contient d'ailleurs un plan similaire), le montage archi-découpé de la scène de boite de nuit avec la compagne du maitre chanteur ou encore l'attaque du yakuza par une Nami se reflétant partout dans les miroirs. La prestation d'une Meiko Kaji toujours aussi mutique est une fois de plus formidable, capable d'exprimer une émotion derrière le masque d'insensibilité comme le montrent ses discrets élans d'empathie envers Yuki. Si Nami était déjà dotée d'une amie dans La Femme scorpion, le personnage de Yuki est bien plus consistant même si on peut regretter le fait que l'histoire finisse par l'abandonner.


Si la mise en scène est donc digne du meilleur cinéma d'exploitation nippon, on sera un petit peu plus réservé sur un scénario critiquable sur plusieurs points. D'abord, il n'est pas exempt de longueurs comme la fuite dans les égouts, ceci étant lié au fait qu'il n'y a plus de ligne directrice aussi claire que dans les deux premiers opus. Mais surtout, les grosses coïncidences et les facilités narratives finissent par s'empiler : la présence du policier au moment exact où Yuki ravitaille Nami, l'évasion de celle-ci dont l'ellipse est difficile à accepter et le retour de Nami en prison qui, si elle offre quelques très bonnes scènes ainsi qu'une ironie appréciable (la vengeance de l'héroïne passant par un retour à la case départ), ne tient pas du tout du point de vue de l'histoire.
On pourra comparer l'évolution des Sasori à celle des Frankenstein de la Universal : la réussite des premiers volets tenait à l'alchimie entre un réalisateur talentueux (James Whale/Shunya Itô) et un(e) acteur(trice) en état de grâce (Boris Karloff/Meiko Kaji). Le départ du metteur en scène signera dans les deux cas le début d'un déclin rapidement précipité par celui de l'interprète, et à l'instar de Suzuki avec La Marque du tueur Itô payera le prix de ses audaces en étant définitivement écartée de la série par les producteurs. Quoique légèrement moins abouti qu'Elle s'appelait scorpion, La Tanière de la bête est un très bon film de vengeance ainsi que le dernier Sasori réellement marquant.

2 commentaires:

  1. Est-t-il normal que l'affiche du film soit quasi-identique à celle de son prédécesseur ?

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  2. Bonjour Anonyme, pour vous répondre oui et non.

    Je mets si possible les affiches françaises et à défaut les affiches originales. Pour ce qui est des Sasori, en dehors du coffret regroupant les six, le deuxième volet (Elle s'appelait scorpion) est le seul à avoir été édité individuellement, or le DVD studio canal reprend l'affiche japonaise de La Tanière de la bête plutôt que celle d'Elle s'appelait scorpion, d’où effectivement deux affiches très proches. On peut d'ailleurs s'en rendre compte à un petit détail : l'affiche du DVD d'Elle s'appelait scorpion montre Nami entourée d'oiseaux, or ceux-ci n'ont un rôle à jouer que dans La Tanière de la bête lorsque l'héroïne attaque les yakuza.

    En espérant avoir répondu à votre question.

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