vendredi 27 mars 2015

Mélodie de la rancune (Yasuharu Hasebe, 1973)



Sasori (Meiko Kaji) est traquée par l'inspecteur Kodama (Toshiyuki Hosokawa). Elle parvient à lui échapper et trouve refuge chez Kudo (Masakazu Tamura), un militant gauchiste ayant été tabassé par la police durant sa jeunesse. Sasori noue une relation avec lui mais lorsque Kudo est arrêté par Kodama, il craque et la dénonce.

Quatrième Sasori mais premier sans le réalisateur emblématique Shunya Itô, ce volet marque une régression évidente après trois très bons opus. Pourtant, le choix de Yasuharu Hasebe semblait tout à fait pertinent : ancien assistant réalisateur auprès de Seijun Suzuki (certainement l'un des cinéastes dont l'esthétique est la plus proche de celle d'Ito), il s'évertuera souvent à marcher sur les traces de son mentor mais avait aussi été le premier metteur en scène à révéler Meiko Kaji. Pourtant, Hasebe parait ici en pilotage automatique et délivre une réalisation la plupart du temps fonctionnelle, sans grande inspiration. Seul le dernier quart d'heure lui permet de confectionner deux beaux moments de cinéma : la pendaison de Sasori avec ses filtres colorés et les retrouvailles entre l'héroïne et son amant Kudo. Mais on peinerait à voir dans cette Mélodie de la rancune des équivalents à la course de relais d'Elle s'appelait scorpion ou à l'introduction de La Tanière de la bête. Il arrive que surgisse une idée sympathique (le générique, le flashback sépia) mais le surréalisme incandescent de la série n'aura guère survécu au changement de réalisateur.


Sur le plan du scénario, le film se révèle plus intéressant. Si l'on retrouve des éléments déjà vus auparavant (le policier acharné comme celui de La Tanière de la bête, une vengeance finale de Sasori très La Femme scorpion) cet épisode ne donne pas le sentiment de tomber dans la redite totale comme ses successeurs. Kudo est le premier personnage masculin positif rencontré par Meiko Kaji et leur rencontre est aussi la synthèse de deux luttes contre le pouvoir, celle des femmes et celle des étudiants gauchistes. L'histoire n'est pas exempte de sadisme, parfois acceptable (la mort de la femme de l'inspecteur qui pousse celui-ci aux pires excès), parfois complaisante (le viol de la gardienne). En revanche, si l'idée de renvoyer Nami en prison fonctionnait dans l'épisode précédent, ici non seulement elle est amenée de manière maladroite mais surtout elle ne donne lieu qu'à des scènes inintéressantes : la relation entre Nami et la prisonnière condamnée à mort ne fonctionne pas du tout tandis que l'idée de la prison " matriarcale ", à l'inverse du système carcéral brutal et masculin vu auparavant dans la série, est trop peu exploitée. Sans le brio, ne reste parfois que l'impression de contempler un cinéaste remplir machinalement son cahier des charges.


La Mélodie de la rancune est également le premier Sasori à connaitre un tel déficit de rythme. Une bonne moitié des séquences tire en longueur à l'image de l'interminable capture de Nami par les policiers ou de l'interrogatoire de Kudo. Et si Meiko Kaji se démène tout autant que d'habitude pour ce qui sera sa dernière incarnation de Sasori, le reste de la distribution peine à faire exister des personnages mal écrits, y compris Kudo et Kodama pourtant très présents à l'écran. Il faut également noter une grosse déception sur le plan musical : non seulement le nouvel arrangement du thème principal est très inférieur au premier mais surtout, les ajouts se révèlent parfois inappropriés comme lorsque l'exécution d'une prisonnière qui aurait pu posséder une belle force dramatique se voit accompagnée d'un thème guilleret absolument hors de propos.
Certes, le réalisateur n'est pas seul responsable de cette baisse de niveau brutale puisque les studios avaient imposé de fortes restrictions budgétaires. Néanmoins, on comprend à la vue de cette Mélodie de la rancune pourquoi Meiko Kaji a préféré partir tourner les Lady Snowblood avec la réussite que l'on connait ; car même si il demeure plus regardable que les futurs films de Yutaka Kohira, La Mélodie de la rancune n'est qu'un film d'exploitation relativement anecdotique.

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