mercredi 4 mars 2015

K-19 : Le piège des profondeurs (Kathryn Bigelow, 2002)



En 1961, le gouvernement de l'URSS décide d'effectuer une démonstration de force en envoyant le sous-marin K-19 lancer un missile de dissuasion. Le commandant du K-19, Polenin (Liam Nesson), jugé laxiste, est rétrogradé pour servir de second à Vostrikov (Harrison Ford), réputé pour sa sécheresse et sa sévérité.

Rares sont les films de guerre américains à se placer du côté de leurs adversaires et sur ce point, on ne saurait nier le courage de Bigelow d'autant plus que la réalisatrice filme ses marins russes avec beaucoup de respect et d'empathie. Ce qui semble l'intéresser avant toute chose est la confrontation entre un groupe d'hommes et une technologie déficiente, la guerre froide ayant poussé les soviétiques à envoyer en mer un sous-marin loin des normes de sécurité américaines. Le conflit oppose ainsi un capitaine autoritaire et son second, plus attaché à ses hommes ; cette confrontation est traitée sans manichéisme, chacun des personnages ayant de bonnes raisons d'agir (c'est également valable pour les personnages secondaires : même les mutins ne sont pas diabolisés) et étant cohérent avec ses idées. Le problème est que cette lutte est beaucoup trop lourdement explicitée et qu'on a droit à une bonne demi-douzaine de scènes où Nesson reproche à Ford de risquer inutilement la vie de ses hommes ; la première heure laisse penser que les marins prendront parti ou joueront un rôle dans la rivalité (notamment par le biais du lieutenant Ratchenko fidèle à Ford et de Pavel qui semble avoir la confiance de Nesson) mais ceux-ci finissent par s'effacer et par ne devenir que de banals individus interchangeables.


Il y a dans K-19 : Le piège des profondeurs un réel problème de distribution. Non seulement on ne croit pas une seconde qu'Harrison Ford et Liam Nesson puissent être des officiers russes mais en plus l'ensemble du casting est affublé d'un faux accent désastreux ; si on comprend les impératifs commerciaux, il n'en demeure pas moins que la manière dont John McTiernan avait contourné le problème de la langue dans A la poursuite d'octobre rouge nous semble autrement plus astucieux. Et si Nesson fait ce qu'il peut, le jeu de Ford tout en serrage de mâchoire finit rapidement par agacer. Qui plus est, le parti-pris de réalisme et d'un certain respect de la réalité historique est intéressant mais trouve ses limites, d'abord parce que le spectacle est aux abonnés absents (les péripéties sont uniquement liées aux avaries et voir des hommes réparer des fuites d'eau n'est pas toujours captivant) mais surtout car il y a une inadéquation totale entre l'aspect épuré du scénario et la grandiloquence de la mise en scène qui n'est pas avare en discours pompeux sur le sacrifice et le patriotisme à grands renforts de violons. Il est ainsi amusant de voir un film ultra-respectueux dans sa représentation des soviétiques tout en adoptant une esthétique aussi purement américaine.


Enfin, sans provoquer un ennui aussi profond que Le poids de l'eau, K-19 : Le piège des profondeurs accuse des longueurs et ne parvient pas à maintenir jusqu'à la fin la tension de ses meilleurs moments. Il trouve toutefois à l'occasion quelques petits instants de brio : la peur de Ratchenko avant d'entrer dans le sas, Ford sacrifiant sa carrière et surtout les très choquantes scènes d'irradiation. Un des aspects les plus intéressants du scénario est le fait que les russes ne se sacrifient pas pour la survie de leur bateau mais parce que sa destruction entrainerait celle d'un navire américain à proximité et déclencherait une guerre (nous sommes un an avant avant la crise des missiles de Cuba). Ainsi derrière le patriotisme quelque peu ronflant du film se cache une critique des absurdités liées à la guerre froide - la scène où le commissaire politique passe un film de propagande anti-américain est plutôt maligne sur ce plan car elle renvoie les USA à leur propre cinéma antisoviétique -. K-19 : Le Piège des profondeurs n'est pas réellement convaincant et la réalisatrice sera bien plus inspirée pour son suivant Démineurs, cependant le film demeure largement regardable, en partie du fait de la mise en scène de Bigelow (superbes travelings à l'intérieur du sous-marin) qui fait beaucoup pour maintenir l'intérêt.

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