lundi 16 mars 2015

Written By (Wai Ka-fai, 2009)



Tony (Lau Ching-wan) et sa famille sont en voiture lorsqu'ils percutent un camion. Tony est tué, sa fille Melody (Mia Yan) devient aveugle tandis que sa femme Mandy (Kelly Lin) et son fils Oscar s'en tirent. Des années plus tard, Melody écrit pour sa mère inconsolable une histoire dans laquelle la réalité est inversée : seul Tony aurait alors survécu à l'accident.

Wai Ka-fai est l'un des principaux scénaristes de la Milkyway de Johnnie To ; son travail alterne le meilleur (Drug War qu'il co-réalisa, The Longest Nite, Too Many ways to be number one qui reste le plus convaincant de ses films mis en scène seul) et le pire (Needing You, Wu Yen, Mad Detective). Réalisé hors Milkyway, Written By s'inscrit malheureusement dans la seconde catégorie, en grande partie du fait que comme souvent Wai Ka-fai ne parvient pas à faire le tri dans ses idées et accouche d'un scénario ultra-embrouillé, prometteur au départ mais fatiguant à la longue. Deux réalités s'opposent en premier lieu : la " bonne " ou seul Lau Ching-wan est mort lors de l'accident, et dans laquelle sa fille aveugle écrit un roman donnant lieu à la " mauvaise " réalité ou au contraire le père a survécu tout en récupérant le handicap de sa fille. Les deux s'entrechoquent de manière de plus en plus incompréhensible : si au départ la logique des évènements simultanés est encore perceptible (un balcon chute dans les deux dimensions mais ne tue pas les mêmes personnes) les voyages de Melody d'une dimension à une autre ne répondent à aucune logique pas plus que ses rajeunissements-vieillissements inutiles.


La première partie tente d'instaurer une ambiance de deuil, la petite famille ne se remettant pas de la mort du père. Malheureusement, la mise en scène de Wai Ka-fai se révèle totalement inappropriée : par ses décors exubérants, ses cadres surchargés d'objets et sa photographie colorée, il ne parvient guère à faire ressentir la détresse d'autant plus que les acteurs jouent épouvantablement mal, à commencer par un Lau Ching-wan tout aussi à côté de la plaque que dans La vie sans principe (ce qui ne l'empêche pas d'être l'un des plus grands acteurs en activité lorsqu'il est bien dirigé) et par sa domestique philippine insupportable de cabotinage. Les scènes tire-larmes s'accumulent avec la lourdeur d'un mauvais téléfilm Disney de Noël, et aucun cliché ne sera épargné au spectateur : la famille modèle pleurant autour de la tombe, la réunion des vivants et des fantômes au paradis, le personnage devant accepter de vivre même après la mort de ses proches. La musique de l'omniprésent Xavier Jamaux n'arrange rien et il est paradoxal pour un réalisateur-scénariste de donner à ce point l'impression que son script et sa mise en scène ne s'articulent jamais efficacement. S'ajoute à tout cela un humour bas-du-front à base d'aveugles qui se cassent la figure ou de domestiques hystériques à faire relativiser le running-gag des pets dans Breaking News.


Si cette première moitié n'est donc pas convaincante, la seconde vire au grand n'importe quoi avec son univers de Harry Potter du pauvre dans lequel les divinités se battent pour savoir qui est mort (les deux dimensions parallèles s'étant rejointes). La photographie est hideuse, les effets spéciaux ratés et le spectateur abandonne finalement toute ambition de comprendre le pourquoi du comment tant la logique parait avoir été jeté aux orties en cours de tournage.
On aurait aimé apprécier Written By tant ce film constitue une évidente et incontestable prise de risque artistique pour Wai Ka-fai, mais comme souvent le scénariste semble être débordé par son imagination et multiplier les effets sans cohérence (pourquoi trois jeunes femmes pour deux réalités ? Pourquoi si les morts des dimensions se rejoignent, alors Melody reste-elle vivante ?), qu'on aurait peut-être pu pardonner à condition de pouvoir s'impliquer un minimum autour du destin de personnages plutôt pénibles. Pas totalement détestable, mais absolument oubliable.

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