Ma mémoire vieillit avec moi aussi j'écris sur des films que je m'en voudrais d'oublier.
jeudi 12 mars 2015
Maciste contre le fantôme (Giacomo Gentilomo, 1961)
Le village de Maciste (Gordon Scott) est attaqué par des hommes du sultan Omar, qui enlèvent Cora, la fiancée de Maciste. Mais Omar est sous l'influence d'Astra (Gianna Maria Canale) et du monstre Kobrak. Maciste reçoit l'aide de Kurtik (Jacques Sernas) qui lui apprend que Kobrak change les hommes en statues.
Sonnez trompettes, raisonnez clairons : enfin un péplum potable après une dizaine d'Hercules plus honteux les uns que les autres et un premier Maciste pas franchement folichon. Allons même plus loin : Maciste contre le fantôme est un très bon film et pour l'instant le plus convaincant des péplums néo-mythologiques italiens derrière Hercule à la conquête de l'Atlantide. Esthétiquement comme thématiquement, Maciste contre le fantôme est très proche de l'Hercule contre les vampires de Bava, que ce soit de par sa photographie (volonté de créer un climat fantasmagorique, insistance sur les teintes rougeâtres) ou de par son méchant (rappelons au passage que celui d'Hercule contre les vampires était un sorcier, et que celui de Maciste contre le fantôme est en revanche... un vampire, même si le nom n'est pas utilisé !). Mais là ou le film de Bava, splendide visuellement, était desservi par son scénario, Maciste contre le fantôme surprend agréablement sur cet aspect. Ici, les péripéties sont bien dosées, Maciste affronte des guerriers robotisés, quelques monstres bizarroïdes, des esclavagistes et même son propre double dans la mesure ou l'affrontement final est un réjouissant Maciste contre Maciste ! Le climat arabe est dépaysant et on trouve même une agréable noirceur de ton car Maciste évolue dans un univers bien cruel dans lequel les enfants peuvent mourir et les femmes être sacrifiées.
Il y a depuis bien longtemps débat concernant la paternité de la mise en scène, Jean-Marie Sabatier entre autres s'interrogeant sur l'étonnante qualité de l’œuvre au sein de la filmographie terne de Giacomo Gentilomo. Certains sites l’attribuent à Sergio Corbucci - crédité en temps que co-scénariste - et force est de constater que le sadisme qui irrigue l’œuvre du réalisateur de Django se retrouve tant dans la séquence du mat où les esclaves se retrouvent empalés que lorsque Gianna Maria Canale est torturée. Si il est peut-être excessif de lui attribuer l'intégralité du film, certaines scènes portent toutefois sa marque.
Surtout, il s'agit d'un péplum d'une évidente bonne volonté. En 1961, le temps n'est pas encore venu aux séries Z bâclées dans lesquelles l'absence de budget étouffera tout ce qui pourrait ressembler à de l'inspiration. Non seulement la photographie d'Alvaro Mancori est superbe mais la figuration semble crédible, les décors nombreux et réussis (l'univers vaguement arabe, la forêt hostile, l'antre de Kobrak) et la mise en scène révèle quelques beaux moments de poésie morbide tel que la mort de l'esclavagiste ou la première vampirisation.
Gordon Scott, essentiellement connu comme interprète de Tarzan, est aussi à l'aise ici que dans Hercule contre Moloch ; si il est clairement plus charismatique que la majorité de ses confrères, il peine toutefois à convaincre lorsqu'il s'agit d'avoir un jeu intériorisé. La très belle Gianna Maria Canale, l'une des meilleures actrices du genre, pâtit d'un personnage assez mal écrit qui n'arrive jamais à être plus qu'une vulgaire femme de main de Kobrak mais la distribution a le mérite de nous épargner un Kirk Morris ou un Dan Vadis qui auraient pu saborder le film à eux seuls. Le film de Gentilomo (et Corbucci ?) n'a pas la profondeur, la réflexion politique sous-jacente d'un Cottafavi ; il ne s'agit que d'un divertissement qui vise à aligner les péripéties, mais l'inventivité de Duccio Tessari - décidément de très loin le plus grand scénariste de péplum italien - fait qu'on en ressort heureux de constater que sa réputation n'est pas usurpée. A l'instar de la saga Hercule, les Maciste s'appliqueraient rapidement à faire oublier leurs prometteurs débuts mais en l'état, ce Maciste est celui que l'on se doit de visionner avant de vouer trop vite le genre aux gémonies.
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