lundi 25 août 2014

Miami Vice : Deux flics à Miami (Michael Mann, 2006)



Miami Vice fut, après un Collatéral globalement très bien reçu, le film de la rupture pour certains fans de Mann. Formellement, il s'agit d'une sorte de prolongation de l'usage de la HD pratiqué lors de son film précédent mais au sein d'une narration plus audacieuse, moins conventionnelle. Collatéral montrait des personnages dont les rapports n'avaient de cesse d'évoluer là ou Miam Vice prend deux heures à raconter une " simple " infiltration sans que, à l'exception du couple Colin Farrell/Gong Li, il n'y ait de véritable changement psychologique. D'ou une sorte d'abstraction à montrer, derrière un canevas de polar, des figures floues dans lesquelles on ne parvient que rarement à se projeter. Parfois, cet aspect se révèle véritablement fascinant : c'est lorsque la complicité entre le tandem vedette est exprimée sans artifice scénaristique, naturellement, comme si elle coulait de soi (et même lorsqu'il fait mine de les opposer, Mann désamorce tout de suite ce faux enjeu) ; c'est lors d'une scène d'action finale virtuose qui est digne de la fusillade centrale de Heat ou de la séquence coréenne de Collatéral. Mais souvent, cette volonté d'en dire le moins possible conduit à l'ennui et si l'on excepte la dernière demi-heure tournée vers l'action, Miami Vice est largement trop long. deux heures qui ne sont pas dénuées de moments inutiles (Foxx et sa compagne, les relations avec le FBI) font qu'on a parfois l'impression de voir une version policière de Ali, ou le refus de caractériser des personnages de manière stéréotypée conduit à des coquilles vides qu'on regarde avancer d'un œil distant.



L'autre défaut majeur réside dans le caractère très inégal de la distribution. Farrell (surtout) et Foxx sont totalement incapables d'habiter leurs rôles comme d'exprimer un minimum de nuances. Leur impassibilité freine l'empathie et faute de se sentir totalement à leurs côtés, on en vient parfois à tiquer sur des ficelles scénaristiques un peu difficiles à avaler (Farrell qui drague Gong Li devant tous les malfrats, Foxx qui présente sa copine à tout le monde sans raison). Heureusement, les méchants relèvent le niveau : John Ortiz en trafiquant jaloux est très bon, Luis Tozar en ponte de la mafia excellent. Mais c'est surtout Gong Li qui trouve l'un de ses plus beaux rôles et compose un magnifique portrait de femme en quête d'évasion, faisant des scènes plus intimistes entre Farrell et elle les plus beaux moments du film. A eux trois, ils parviennent à compenser tant bien que mal la pauvreté du jeu du tandem-vedette, qui est également mis à mal par le fait que l'histoire se focalise la plupart du temps sur Farrell, appauvrissant encore un peu plus le personnage de Foxx qui semble parfois n'être qu'un banal faire-valoir.



En ce qui concerne la mise en scène, Miami Vice est une petite merveille. Le travail sur le son est incroyable (le bruit des balles donne l'impression d'être en plein milieu de l'action, le suicide " silencieux " de l'informateur est glaçant), la photographie superbe et il est assez agréable de voir que certains aspects un peu datés de la série télé ont été laissé de côté : pratiquement pas d'humour, moins de frime, moins de décontraction. Le faux happy-end est très bien trouvé et si la première heure aurait certainement gagnée à être réduite en durée, la réussite des dernières séquences atténue le sentiment de déception. Aussi virtuose formellement que raté concernant la caractérisation de ses héros, Miami Vice montrait un cinéaste brillant dans une impasse artistique qui risquait d'aboutir à un appauvrissement thématique. Le contrepoint apporté par Public Enemies, plus " classique " et moins expérimental mais aussi plus incarné, allait le réconcilier avec les plus violents détracteurs de Miami Vice tout en lui aliénant certains de ses inconditionnels... Difficile pour un cinéaste de satisfaire tout le monde, et un film aux parti-pris aussi tranchés que Miami Vice peut facilement conduire à une radicalisation (qu'elle soit positive ou négative) du discours critique, avec un cinéphile attardé coincé entre spectateurs parlant de nullité totale et ceux criant au chef d'oeuvre.

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