dimanche 6 juillet 2014

Collatéral (Michael Mann, 2004)



Max (Jamie Foxx), un chauffeur de taxi sans histoire de Los Angeles, est payé par Vincent (Tom Cruise) pour l'accompagner. Quand Max comprend que Vincent est en réalité un tueurs à gages, il est contraint par celui-ci de l'aider. Un policier suspicieux, Fanning (Mark Ruffalo) soupçonne quant à lui un contrat portant sur des témoins fédéraux et enquête.

On trouve dans Collatéral quelques micro-facilités scénaristiques : la présence de Jada Pinkett Smith dans le taxi au départ qui permet de " boucler la boucle " un peu trop facilement, celle de Mark Ruffalo dans l'ascenseur que prennent Tom Cruise et Jamie Foxx, ou la manière un peu balisée qu'a Ruffalo de remonter la piste le menant à Cruise. Sans ces quelques raccourcis, Collatéral serait le deuxième chef d'oeuvre absolu de Mann avec Heat ; en l'état, il reste un immense moment de cinéma et son film le plus réussi au sein de la décennie 2000-2010, au point d'avoir sans doute conduit une partie du public à mésestimer ses successeurs en réaction.



Qu'est ce qui fait qu'un script de (bonne) série B accouche ici d'un grand film ? A peu près tout. En premier lieu, le duo de personnages principaux fonctionne pleinement. Tous deux sont par certains aspects des héros classiques de Mann (ils agissent tous deux en " professionnels " qu'il s'agisse du chauffeur de taxi ou du tueur, ils sont d'abord définis par leur rapport à leur profession et dégagent une surprenante humanité) mais ici pas d'interférence de leur vie privée réduite au strict minimum, une mère hospitalisée pour Max et le néant pour Vincent. L'essentiel sur eux est dit en quelques scènes (la rigueur de Vincent évidente dès l'introduction, le sens de l'observation de Max lors de sa discussion avec l'avocate, sa connaissance de la ville lorsqu'on le voit discuter en espagnol avec un garagiste), sans lourdeurs ni pathos. Même un personnage secondaire comme celui de Mark Ruffalo parvient malgré son peu de temps à l'écran à nous intriguer et nous émouvoir, d'autant plus que la construction narrative qui lui permet d'entrer en scène est réellement audacieuse puisqu'elle parvient à nous sortir du taxi de Foxx sans casser le rythme ou la tension ; cette bifurcation s'achève d'ailleurs de manière particulièrement surprenante.



Dans ce qui est peut-être son plus grand rôle avec Eyes Wide Shut, Tom Cruise se révèle le choix parfait et son mélange de sérénité, de froideur et d'existentialisme fait de Vincent l'un des méchants les plus marquants du cinéma contemporain. Un Jamie Foxx en pleine forme (la scène de face-à-face avec Javier Bardem lui permet un très grand moment de jeu) réussit à ne pas se faire éclipser par son partenaire et le casting est dénué de fausse note. La virée dans Los Angeles permet d'exploiter idéalement le cadre urbain, faisant passer l'histoire d'un club de jazz afro-américain à une boite coréenne en passant par un repère à truands latinos ou aux grands quartiers d'affaires ; à ce propos, l'absence du chef opérateur Dante Spinotti n'est pas préjudiciable tant ses remplaçants Cameron et Beebe ont fourni un travail irréprochable. Même les goûts musicaux parfois douteux de Mann semblent ici coller aux scènes qu'ils illustrent, comme cet usage de virtuose de Ready steady go qui achève de faire de la séquence " coréenne " une scène d'action digne de la fusillade de Heat. Et comme tous les grands films du réalisateur, il est aussi touchant lorsqu'il traite de la solitude et de l'indifférence (les personnages qui meurent sans que quiconque ne semble en être dérangé, les passants qui constatant que Jamie Foxx est attaché songent à le braquer plutôt qu'à le libérer) qui permet à Mann d'éviter le piège de l'exercice de style un peu vain. Enfin, rarement un script aussi archétypal et une mise en scène auprès des corps, presque documentaire (renforcée par les détails véristes : Jamie Foxx qui n'arrive pas à utiliser le pistolet, la gamelle de Cruise lorsqu'il part à sa poursuite dans l'immeuble) n'ont fusionné avec autant de grâce et de naturel.

Une merveille, tout simplement.

2 commentaires:

  1. Ça y est, je l'ai vu et c'est génial, effectivement. Je vois pas trop quoi en dire, tout est dans l'article. En tout cas, esthétiquement, GTA V s'en est pas mal inspiré (de Heat aussi), j'ai relace le jeu juste après et c'est flagrant.

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    1. Là-dessus je ne peux confirmer ou infirmer : je n'ai jamais joué au moindre GTA... Par contre, Mann me semble clairement avoir inspiré visuellement le PTU de Johnnie To, notamment.

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