dimanche 27 juillet 2014

Sexy Beast (Jonathan Glazer, 2000)


Gal Dove (Ray Winstone), ancien gangster, coule des jours heureux en Espagne accompagné de sa femme Deedee et d'un couple d'amis. Tout se gâte lorsque Don Logan (Ben Kingsley) débarque sur l'ordre de Teddy Bass (Ian Mcshane) pour convaincre Gal de participer à un dernier coup. Le refus de Gal conduit à un accroissement de la tension entre Don et lui.

Très étrange polar britannique, complètement à l'antithèse de la veine cool-branchée illustrée par Guy Ritchie (Arnaques, crimes et botanique, Snatch) ou Matthew Vaughn (son Layer Cake souvent défendu par les cinéphiles nous a semblé totalement dénué d'intérêt). N'eut-il été sorti en 2000, alors que cette vague n'en était qu'à ses balbutiements, on aurait même pu y voir un film leur répondant tant ce Sexy Beast est déceptif, refusant de résoudre de façon conventionnelle les enjeux qu'il met en place. Dans son intéressant Seule la mort peut m'arrêter, Mike Hodges surprenait par son scénario qui transformait son héros Clive Owen en figure spectrale accomplissant une vengeance inutile sans la moindre grandeur. Ici, Glazer innove bien plus par son montage que par son scénario ; les scènes de dialogues, et notamment celles entre Ray Winstone et Ben Kinglsey, sont extrêmement découpées. Parfois, ce montage presque hystérique qui nécessite trois ou quatre plans pour une ligne de dialogue trouve son sens lorsqu'il s'agit d'évoquer la perte de repères de Gal ; parfois, c'est simplement pénible, à l'image d'un film quelque peu tiraillé entre ses qualités de direction d'acteurs et ses penchants clipesques ; la présence de rêves dans lesquels apparaît un lapin géant tout droit sorti de Donnie Darko - en réalité sorti un an après le film de Glazer - ne s'imposait surement pas, par exemple, et Glazer est souvent plus à l'aise lorsqu'il s'agit de jouer sur les moments de creux, de vide - et n'hésite d'ailleurs pas à expédier très rapidement la séquence de casse qui ne semble pas l'intéresser du tout -.



Sexy Beast est également assez déconstruit, provoquant des ellipses plutôt surprenantes avant de les combler lorsque l’on ne s'y attend plus. A l'instar de Pulp Fiction, il s'agit d'un film de gangsters racontant des faits très classiques de manière très moderne, sauf qu'au juke-box rock de Tarantino se substitue une ambiance plus étrange, presque polanskienne. Peu de réalisateurs auraient eu l'audace d'étirer une situation archétypale du polar (l'homme du chef qui vient persuader le malfrat retraité de repartir pour un dernier casse) sur près d'une heure, et la qualité des dialogues comme de l'interprétation (Ray Winstone excellent en truand presque apathique, Ben Kingsley formidable en psychopathe) fait que tout cela fonctionne à peu près.... jusqu'à une dernière demi-heure qui semble laisser l'intrigue en plan faute d'arriver à la conclure de manière satisfaisante. On en vient presque à regretter les flashbacks explicatifs (pourtant les moments les plus convaincants de la dite demi-heure) qui empêchent Sexy Beast de maintenir l'inconfort et l'ambivalence apparus avec le personnage de Ben Kingsley.



Pour Birth, Glazer saura s'entourer d'un scénariste talentueux (Jean-Claude Carrière, collaborateur récurrent de Luis Bunuel) qui fait quelque peu défaut à ce Sexy Beast, possédant toutefois le mérite de ne pas dépasser les 85 minutes. Quelques beaux moments de cinéma (la résolution de l'intrigue sur Don Logan " sur le tard ", l'introduction avec le rocher, les face-à-face Kingsley-Winstone) suffisent à justifier le coup d’œil à condition de ne pas être allergique à une mise en scène dont le côté stylisé vire parfois au tape à l’œil.
Sexy Beast est quelque peu ignoré aujourd'hui au sein de la pourtant très courte filmographie de son metteur en scène (trois films). Si sa démarche semble plus trouble et moins cohérente que celles ayant abouti à Birth et à Under the skin, avec lesquels Glazer connaîtrait un fort succès public et critique, il serait injuste de ne pas voir en Sexy Beast une tentative audacieuse bien qu'inaboutie de polar atypique, ou la chaleur espagnole a fait des braqueurs virtuoses d'hier des paresseux empâtés et indolents. Original à défaut d'être enthousiasmant.

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