Ma mémoire vieillit avec moi aussi j'écris sur des films que je m'en voudrais d'oublier.
mardi 18 novembre 2014
Romeo Is Bleeding (Peter Medak, 1993)
Jack Grimaldi (Gary Oldman) se remémore son histoire. Alors qu'il n'était qu'un petit flic mesquin et corrompu, Don Falcone (Roy Scheider) l'avait contacté afin d'éliminer une ancienne employée, la vénéneuse Mona Demarkov (Lena Olin). Grimaldi tenta alors de jouer sur les deux tableaux en se faisant payer par Demarkov pour organiser sa fausse mort.
On a beau aimer le film noir, on a beau adorer les femmes fatales tant à l'époque que plus récemment chez Lawrence Kasdan, John Dahl ou même David Fincher, il vient un moment ou celles-ci ne peuvent tout porter sur leurs seules épaules. Et soyons honnêtes, Lena Olin campe peut-être ici la pire garce de l'histoire du cinéma, titre ne pouvant lui être disputé que par la Linda Fiorentino de Last Seduction. Elle n'est pas ambivalente ni même complexe, elle est tout simplement démoniaque. Medak la filme comme une créature maléfique pour qui les hommes ne sont que des pantins et dont la cruauté ne semble avoir aucune limite (le meurtre de la maîtresse d'Oldman est totalement gratuit). Petit à petit, elle conduit le film dans une dimension fantasmagorique qui a ses défenseurs mais pâtit malheureusement d'un scénario atrocement mal écrit signé par la productrice du film, Hilary Henkin, dans lequel les facilités et les coïncidences s'accumulent.
On trouvera donc dans Romeo Is Bleeding : une Lena Olin qui après s'être fait tirer une balle dans le pied arrive à distancer Gary Oldman en s'enfuyant ; un parrain de la mafia (Roy Scheider, très bon) qui malgré son armée de gorilles parvient à se faire enlever par une unijambiste et deux sbires bien peu effrayants ; une scène de crime durant laquelle Lena Olin s'ampute tout naturellement d'une jambe pour faire croire à sa mort ; une manipulation psychologiquement incompréhensible (pourquoi faire du mal à Oldman AVANT de le manipuler, là ou la plus élémentaire logique consisterait à abattre son jeu le plus tard possible ? ) ; des collègues d'Oldman qui font relativiser l'incompétence des policiers vus dans des récents films sud-coréens (mention à la dernière confrontation Oldman/Olin ou on en vient vraiment à se demander ce à quoi ils servent) ; un héros décidé à se venger tirant sur une femme de dos sans s'assurer de son identité ; des hommes de main qui préfèrent casser les doigts d'Oldman avant qu'il tue quelqu'un pour eux, car on est toujours plus efficace avec deux doigts en moins...
Chacune de ses grosses ficelles aurait pu fonctionner pour peu qu'elle soit prise isolément. Or, on passe de l'une à l'autre avec le sentiment que le script franchit largement la limite au-delà de laquelle la suspension d'incrédulité ne peut plus fonctionner. Medak cherche la scène choc mais pour en arriver là, il faut souvent en passer par des rebondissements à la William Irish (par ailleurs grand écrivain) qui paraissent totalement artificiels.
Tout ceci est bien dommage car Romeo Is Bleeding était loin d'être dénué de qualités. Gary Oldman compose une figure atypique de flic peu sympathique, prétentieux et immature, accro aux femmes et pigeon idéal, et parvient à nous attacher à ce qui demeure pourtant un pauvre type. Lena Olin est étincelante et les excellents seconds rôles (Juliette Lewis, Annabella Sciorra) ne déméritent pas. Dariusz Wolski, futur chef opérateur de Dark City, et le compositeur Mark Isham parviennent à donner à Romeo Is Bleeding une ambiance originale, et les dernières minutes étonnamment apaisées, dans lesquelles Oldman fait face à ses angoisses et ses échecs, trouvent une justesse et une émotion que l'on n'attendait plus. On reste toutefois sur un sentiment de gâchis, d'autant plus que si le scénario est le problème principal, il n'est pas le seul (une voix-off omniprésente utilisée avec beaucoup moins de virtuosité que chez Scorsese, des dialogues parfois énervants dans leurs lieux communs type " le problème avec l'amour, c'est que vous ne le trouvez pas ; c'est lui qui vous trouve ") et que les diverses qualités réelles mentionnées par ses défenseurs n'occultent guère la déception par rapport à sa réputation flatteuse.
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