Ma mémoire vieillit avec moi aussi j'écris sur des films que je m'en voudrais d'oublier.
samedi 20 septembre 2014
Public Enemies (Michael Mann, 2009)
John Dillinger (Johnny Depp) fait évader de prison plusieurs de ses complices. J. Edgar Hoover s'en sert comme d'un prétexte pour créer le FBI. Il demande à l'agent Purvis (Christian Bale) de superviser l'arrestation de Dillinger, qui rencontre une jeune métisse indienne, Billie Frechette (Marion Cotillard) et en tombe amoureux.
Drôle de film dont les parti-pris de montage semblent vouloir condenser un scénario de grande fresque mafieuse en deux heures. Les éléments non-expliqués ou non-résolus vont ainsi se succéder : lors de la première séquence, Dillinger exclue Shouse du groupe pour avoir involontairement entraîné la mort de Walter Dietrich ; pourtant, Shouse fait partie de la bande lors de l'attaque du chalet sans qu'une scène soit venue justifier sa réintégration. Youngblood, le colosse noir avec lequel Dillinger s'évade, est évacué du récit (le Dillinger de Milius lui faisait rejoindre le gang). L'attaque du train avec le gang Barker-Karpis est mentionnée deux fois sans avoir la moindre implication sur l'intrigue principale - on ne sait même pas si elle a finalement eu lieu -. On n'en sait pas plus sur les rapports entre Dietrich et Dillinger...
Tout ceci ne constitue pas réellement un défaut. A l'instar du Friedkin de French Connection, Mann a probablement supprimé bon nombre de scènes de transition au montage pour ne garder que l'essentiel. A la lenteur de Miami Vice succède donc un film beaucoup plus rythmé qui suit une trajectoire rectiligne, d'ou une relative absence des moments plus lents typiques de Mann (les discussions amoureuses du Solitaire ou de Heat, la scène du tigre du Sixième sens...) en vue d'épouser le trajet d'un gangster plus romantique ici que chez Milius ou Siegel - à le rapprocher d'un personnage siegelien, il faudrait moins voir du côté de Baby Face Nelson que de Tuez Charley Varrick ! qui partage avec Public Enemies une thématique de la recherche de l'indépendance, Dillinger étant mis sur la touche par une mafia moderne réorganisée par Frank Nitti -.
Tant la prestation de Johnny Depp que l'écriture minimaliste de son personnage ont été fréquemment critiqués. Pour autant, non seulement Dillinger parvient à exister grâce à quelques instants brillants (son flegmatisme lorsque son portrait est affiché dans une salle de cinéma, son arrogance face aux journalistes, la scène du commissariat, le jeu de miroirs lorsqu'il contemple Clark Gable jouer un gangster inspiré par lui-même), mais de plus la sobriété de Depp renforce ses quelques moments plus expressifs. On sera plus sceptique sur le reste de la distribution : Christian Bale, sans jouer mal, est un peu trop monolithique pour son personnage tandis que Marion Cotillard est occasionnellement à côté de la plaque (notamment lors de l'interrogatoire). Les seconds rôles sont quant à eux excellents - mention à Stephen Graham en Nelson - et si les Mann précédents étaient parfois victimes de choix musicaux douteux, l'usage du blues d'Otis Taylor ou de Billie Holiday est aussi bienvenu que celui du score plus classique d'Elliot Goldenthal.
Difficile également de ne pas mentionner les attaques virulentes portées contre l'usage de la haute définition tant, qu'il s'agisse de l'image ou du son, les scènes d'action apparaissent ici comme d'incroyables moments de bravoure, ou le rendu des tirs et des impacts de balle est impressionnant. Il est quelque peu dommage que de par son refus de l'immobilisme, le film n'atteigne pas la force émotionnelle des meilleurs Mann - la prestation de Cotillard n'aide pas non plus - mais en l'état, il reste un des polars les plus fascinants de la décennie 2000, et la plus réussie des diverses adaptations de la vie de Dillinger, qui a également le mérite de voir Mann tenter de sortir de l'impasse dans laquelle Miami Vice avait failli l'installer.
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Deux fautes: Clark Kable dans le texte et Johnnye Deep dans les libellés.
RépondreSupprimerJe me souviens pas très bien du film, je l'ai vu en 2010 je crois, mais je me rappelle de la fusillade dans les bois, et j'avais bien aimé. Faudrait que je le revoie pour mieux apprécier la mise en scène.
C'est donc la fin de la rétrospective Michael Mann, fera tu une incartade à ta ligne éditoriale pour son prochain? Il sortira en janvier 2015 apparemment.
Merci, c'est corrigé. Ca me met toujours en rage de laisser passer des fautes aussi connes ^^
RépondreSupprimerJe pense faire une incartade à ma ligne pour le prochain. Il me semble que ce serait un peu bête de faire tous les Mann et d'attendre trois ans pour y ajouter le dernier, d'autant plus que j'ai déjà chroniqué des films en salles (dans le cas de Blue Ruin, il n'était même pas encore sorti). De la même manière, si je vois le prochain Pedro Costa en salles, j'en parlerai certainement.
Pour le jeu, mon top Michael Mann maintenant que tout a été revu :
1) Heat
2) Collatéral
3) Révélations
4) Le Sixième sens
5) Public Enemies
6) Le dernier des mohicans
7) Le solitaire
8) Comme un homme libre
9) Miami Vice
10) Ali
11) La Forteresse noire
12) LA Takedown
La prochaine rétro sera probablement consacrée à Kathryn Bigelow (119 critiques et toujours aucune femme cinéaste en ces pages, cela devait être comblé).