Ma mémoire vieillit avec moi aussi j'écris sur des films que je m'en voudrais d'oublier.
mercredi 3 septembre 2014
Breathless (Yang Ik-joon, 2008)
Sang-hoon (Yang Ik-joon), une brute épaisse, travaille pour son ami Man-sik (Jeong Man-sik) en tabassant des mauvais payeurs endettés. Un jour, Sang-hoon frappe une lycéenne croisée dans la rue, Yeon-hoo (Kim Kkot-bi) avec laquelle il entame une relation complexe, entre violence réciproque et déboires familiaux communs.
Pour un premier film, on ne pourra pas dire que Yang Ik-joon a choisi la voix de la facilité. Breathless n'est pas un film aimable, il n'a même pas pour lui le côté " défouloir " que peuvent revendiquer bien des mauvais films de genre coréens. Mais Breathless est-il un film de genre ? Rien n'est moins sur. Son influence la plus évidente est à chercher du côté du Kim Ki-duk de l’Île ou de Bad Guy plutôt que de Park Chan-wook ou Bong Joon-ho ; on retrouve ces non-dits, ces histoires d'amour entre marginaux mais aussi une discrète empathie du cinéaste pour ses personnages en dépit de leur brutalité et de leur violence. C'est un amusant paradoxe de voir que certains cinéastes enragés ne développent jamais autant de sensibilité que dans leurs films les plus violents (pensons à Ichi the killer, dans lequel Takeshi Miike parvenait occasionnellement à faire naître l'émotion entre deux tueries). Breathless n'est pas gratuitement excessif, les coups et les insultes sont l'unique mode de communication que connaissent les personnages de Yang ; plus encore, c'est parfois pour eux l'occasion de se comprendre réellement (la rencontre entre Sang-hoon et Yeon-hoo durant laquelle aucun ne semble plus étonné que ça de la brutalité de l'autre).
Un autre aspect appréciable réside dans la complexité des personnages qui échappent tous au manichéisme. Au départ, l'on peut pourtant craindre le pire : entre le contexte familial autour de Sang-hoon (son père a tué sa soeur et causé la mort de sa mère) et celui autour de Yeon-hoo (un père devenu fou et un frère qui la vole et la frappe à l'occasion), on pense visionner un film dont le misérabilisme égalerait celui des pires moments du cinéma social britannique ou mexicain. Mais rapidement, les situations se complexifient : le père de Sang-hoon semble éprouver des remords ; le frère de Yeon-hoo laisse transparaître ses failles lorsqu'il se révèle dégoûté par la violence de son nouveau travail, et le spectateur ne sait quel jugement porter sur eux à l'image du personnage de Man-sik, dont il est difficile de dire si il est le seul ami sincère ou l'homme responsable de ce qu'est devenu Sang-hoon. Yang Ik-joon charge énormément la barque rayon pathos mais parvient à créer des êtres humains de chair et de sang qui ne sont jamais des pantins entre les mains d'un scénariste. L'acteur-réalisateur au regard dérangeant et la jeune mais prometteuse Kim Kkot-bi sont certainement à suivre de près tant leurs prestations jouent beaucoup sur la bonne impression d'ensemble laissée par Breathless, tout comme la capacité du cinéaste à créer du suspens : on passe les deux heures à anticiper des explosions de la part des personnages, explosions qui n'arrivent finalement pratiquement jamais.
Malheureusement, Breathless est tiré vers le bas par un certain nombre de scories. La mise en scène caméra à l'épaule donne quelques moments de grâce (la dispute dans la cuisine notamment) mais se révèle trop souvent brouillonne et confuse ; qui plus est, le caractère systématique du procédé est lassant. Les flashbacks ne sont pas d'une grande finesse et le rythme finalement plutôt lent occasionne des longueurs ; pourtant, Breathless se trouve quelques fois lors de ses moments de creux, mais leur grande hétérogénéité fait ressortir le côté inégal du montage. Enfin, les personnages sont plus ou moins bien gérés et certains comme le père de Sang-hoon sont un peu mis de côté. La fin est également décevante, plombée par un montage parallèle qui ne s'imposait certainement pas.
En dépit de ses nombreuses maladresses, Breathless est une jolie révélation qui à l'instar des The Chaser et The Murderer de Na Hong-jin et du Blood Island de Jang Cheol-soo donne envie de penser que la Corée du sud possède encore quelques talents qui, si ils tâtonnent encore, demeurent tout à fait dignes d'intérêt.
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