Ma mémoire vieillit avec moi aussi j'écris sur des films que je m'en voudrais d'oublier.
mercredi 9 juillet 2014
THX 1138 (George Lucas, 1971)
Dans un futur orwellien, THX 1138 (Robert Duvall) vit aux côtés de LUH 3417 (Maggie McOmie). Celle-ci décide d'arrêter de prendre les sédatifs imposés par le régime et encourage THX 1138 à faire de même, tandis que le mystérieux SEN 5241 (Donald Pleasance), chef de LUH 3417, semble vouloir intercéder dans les désirs d'évasion grandissants du couple.
Premier et plus obscur film de George Lucas, THX 1138 est fréquemment victime de la forte personnalité de son réalisateur, qui oblige les spectateurs à le juger par rapport à la filmographie de Lucas et particulièrement à Star Wars plutôt que comme l’œuvre forte et autonome qu'il est. On aime souvent d'autant plus THX 1138 qu'il est souvent l'antithèse de la direction plus commerciale et plus divertissante que prendra la carrière du cinéaste ; en réalité, cette division est quelque peu surfaite tant il y a beaucoup plus de points communs que l'on pourrait le penser entre son long-métrage expérimental et ses succès commerciaux. La séquence de poursuite finale est montée exactement comme l'attaque de l'Etoile Noire, le design de la planète et son uniformité évoquent l'Empire galactique (au contraire de l'Alliance Rebelle qui elle se caractérise par une diversité très forte) et le son des véhicules est pratiquement identique à celui des motos des stormtroopers du Retour du Jedi, ou des podracers de La Menace Fantôme, à ceci près qu'au lieu d'évoquer des mondes à échelle galactique, THX 1138 se concentre au contraire sur une société à taille réduite mais ou l’individualité est niée et ou le régime contrôle jusqu'aux pensées de ses habitants.
Thématiquement, si THX 1138 n'est pas sans convoquer un héritage littéraire assez évident (en plus de 1984, il a de fortes affinités avec le fondateur Nous Autres de Zamiatine, tels que l'idée des matricules), il parvient toutefois à se créer une identité propre. La place de la religion y est très originale : une sorte de confessionnal placé sous une image du Christ répète mécaniquement les mêmes mots avant de pousser les plaintifs à consommer plus et à produire d'avantage. Rarement lien aussi pertinent fut fait entre société de consommation, religion d’État et totalitarisme ; le système juridique y est absurde (SEN 5241 est emprisonné sur simple dénonciation, le procès de THX 1138 se fait sans qu'il ne puisse s'exprimer) à l'image de cette police robotique qui derrière des intonations douces cache la brutalité de ses méthodes de répression. Même la monnaie, qui voit son cours varier quotidiennement sans logique (on peut imaginer que l’État contrôle les fluctuations monétaires) ne sert qu'à acheter " le produit " qui ne semble avoir aucun impact réel, comme un point d'orgue d'une société ou l'utilité n'est plus qu'accessoire. La survie de THX est d'ailleurs intimement liée à l'économie puisque le système ne se désintéresse de lui qu'à partir du moment ou sa capture coûte trop cher et n'est donc plus conforme aux objectifs de rentabilité.
Là ou THX 1138 est le plus impressionnant, c'est dans la gestion de son budget. Les 700 000 dollars n'empêchent pas un travail sur le son et sur la couleur remarquables, l'omniprésence du blanc permettant à Lucas de matérialiser une sorte de désert incolore dans lequel THX et SEN se déplacent sans pouvoir en discerner le début ni la fin. Si les - réelles - audaces sont nombreuses, toutes ne sont pas totalement pertinentes. Le vocabulaire des habitants, sorte de charabia mathématique incompréhensible (" Un FT41 dans le secteur MV8, appelez les F90... ") finit par s’avérer lassant, tout comme l'absence de précisions sur des éléments cruciaux de la narration : comment THX et SEN ont pu parvenir à s'évader ? Quel est le rôle des hologrammes dans la société ? Pourquoi THX n'a t-il pas été condamné de même manière que LUH ?
A laisser trop d'enjeux sans réponse, THX 1138 apparaît parfois exagérément glacial, moins cohérent qu'un chef d’œuvre comme Brazil. La director's cut est également parfois gênante du fait de la juxtaposition de plans d'époque et d'effets numériques contemporains, d'autant plus que ceux-ci n'apportent que peu d'éléments importants. Néanmoins, THX 1138 est un superbe premier film qui même détaché de l'aura relative à son insuccès lors de sa sortie reste bien plus convaincant et radical que beaucoup de films de science-fiction contemporains (on ne parlera pas de son minable remake déguisé, le honteux The Island).
Hors-sujet : ceci est la centième chronique publiée sur ce blog. J'avoue l'avoir démarré absolument sans savoir ou j'allais, et quelques mois plus tard je suis assez satisfait de la tournure prise. Quelques constats personnels en vrac :
- Je tiens à m'excuser pour les fautes d'orthographe présentes ici et là dans les articles, je fais tout mon possible pour les faire disparaître mais il y en a toujours trop à mon gout.
- Si les retours que j'ai pu avoir IRL sont très satisfaisants, je suis un petit peu déçu par le nombre très faible de commentaires (gros coucou à Augustin quand même !), surtout par rapport au nombre de visites qui m'a très agréablement surpris (au passage, les westerns spaghettis ont vraiment la cote). J'ignore si mon ton incite peu à la discussion ou si la relative rareté de certains films chroniqués fait qu'au final, peu de gens peuvent réagir dessus, en tout cas je ne peux en l'état qu'inciter les gens à s'exprimer, y compris pour dire que je n'ai rien compris et que je raconte n'importe quoi (plutôt la controverse que le silence !).
- Certains retours allaient dans un sens commun, à savoir la trop courte longueur des textes. Je les comprends très bien mais ne compte pas en dévier, pour plusieurs raisons. L'idée de départ était de faire sensiblement la même longueur sur tous les textes et il me serait difficile d'écrire des textes plus longs sur certains des plus mauvais films critiqués ici. Je trouve aussi que la concision permet à la fois d'éviter de se répéter ou de se regarder écrire, et de ne pas perdre le lecteur. Vous lisez des critiques d'une cinquantaine de lignes sur Les Amours d'Hercule et je vous en remercie, je ne suis pas sur que vous seriez très motivés à en lire une trois fois plus longue sur le même film.
- Les derniers mois ont été marqués par une baisse de ma productivité, d'avantage liée à ma situation professionnelle qu'à un manque de volonté ou à la démotivation. Cette situation risque de se provoquer de nouveau, je tente de conjuguer tout cela mais ce n'est pas toujours simple. Ainsi il n'y aura plus d'articles durant une dizaine de jours pour cause d'absence.
- Globalement, j'ai fait relativement peu de pub (deux sites) et ne compte pas en faire plus. Je déteste faire de la pub.
Pour finir, je tiens à remercier tous ceux qui m'ont encouragé et sans l'appui desquels je n'aurais pas osé franchir le cap, merci à tous ceux qui m'ont conseillé, relu et/ou recommandé (Alex, Mouna, Dr_Z, Jo...) et à tous ceux qui acceptent de perdre dix minutes à lire un chômeur vous parler d'un énième film de yakuzas.
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