Ma mémoire vieillit avec moi aussi j'écris sur des films que je m'en voudrais d'oublier.
lundi 21 juillet 2014
Le Dernier jour de la colère (Tonino Valerii, 1967)
Scott Mary (Giuliano Gemma), un bâtard, est le paria de la ville de Clifton. Systématiquement humilié par ses notables, il est un jour défendu par un pistolero, Talby (Lee Van Cleef) qui abat l'un de ses tourmenteurs. Scott Mary demande alors à Talby de le prendre sous son aile mais rapidement, il apparaît que les objectifs des deux hommes sont différents.
Cas assez singulier que ce western spaghetti dont le classicisme " à l'américaine ", si il n'aurait pas dépareillé à l'époque ou la révolution opérée par Leone n'en était qu'à ses balbutiements, semble pratiquement anachronique en 1967. Même un metteur en scène comme Sergio Sollima, peu amateur de grands zooms et d'excès sanguinolents, semble plus exalté que Valerii qui par conséquent retire un mérite paradoxal : son film est globalement dénué des scories qui rendent les westerns italiens pénibles aux yeux de beaucoup de cinéphiles (pas de mise en scène brouillonne, pas de surjeu, peu de violence gratuite) mais est très loin de provoquer la même euphorie qu'un Django ou un Colorado. Plus que son célèbre Mon nom est personne, Le Dernier jour de la colère est le film qui permet de comprendre pourquoi Leone estimait que Valerii était son seul successeur digne d'intérêt : si Leone parodiait les codes américains, il leur vouait en réalité une très forte admiration qu'on ne retrouvera que rarement chez Corbucci, Fulci ou Castellari. En revanche, la sobriété et l'attention portée à la psychologie des personnages du Dernier jour de la colère contrastent avec la désinvolture avec laquelle le même cinéaste réalisera plus tard Une raison pour vivre, une raison pour mourir.
On pourrait presque considérer que les films mettant en scène Lee Van Cleef sont un genre en soi puisque l'acteur y interprète le plus souvent un rôle de mentor vieillissant confronté à un jeune en plein apprentissage. Dans ce type de rôle, Giuliano Gemma est plus convaincant que le John Phillip Law de La mort était au rendez-vous ou l'Alberto Dentice du Grand Duel. Son jeu sobre, dramatique mais expressif rappelle son personnage du Retour de Ringo, prouvant encore une fois sa capacité à s'illustrer même hors de son registre comique habituel. Les seconds rôles leoniens font également plaisir à voir et on retrouve Benito Stefanelli en tueur à gages ou Al Mulock (l'homme dont le visage ouvre Le bon, la brute et le truand) en ancien complice de Talby. Là ou Mon nom est personne confronterait la tradition américaine - Henry Fonda - aux excès italiens - Terence Hill - avant une réconciliation finale, Le Dernier jour de la colère voit le précepteur américain être abattu par le jeune dont il a trop sous-estimé la débrouillardise. Ce sous-texte est d'ailleurs plus intéressant que l'histoire générale, vue et revue (Gemma passe le début du film à se faire humilier mais les notables en payeront le prix chacun leur tour) et dans laquelle seuls les deux héros semblent bénéficier d'un minimum d'épaisseur.
On trouve quelques idées sympathiques dans Le Dernier jour de la colère : un duel à cheval durant lequel les adversaires doivent recharger un fusil à un coup, la relation entre Gemma et l'ancien shérif qui lui fera prendre conscience de la malhonnêteté de Talby ou encore l'astucieux face-à-face final, mais tout cela fait peu pour un film qui par ailleurs peine à transcender ses quelques éléments originaux ; la fin échoue ainsi à produire la tension requise, tandis que les fusillades ne sont guère dramatisées. En revanche, la musique de Riz Ortolani pallie très bien l'absence de Morricone et le charisme de Lee Van Cleef est un atout non négligeable. Si ce Tonino Valerii là est bien plus réussi qu'Une raison pour vivre, une raison pour mourir, il n'en demeure pas moins que son apport comme metteur en scène est quelque peu insuffisant pour lui permettre de côtoyer les grands du genre, les Leone, Corbucci, Sollima et autres Margheriti.
Un western agréable dont le statut de (petit) classique a certainement plus à voir avec ses acteurs et sa bande-originale qu'avec son réalisateur.
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