mardi 31 décembre 2013

Le Monstre (Val Guest, 1955)




Une fusée s'écrase dans la campagne anglaise. A bord, deux astronautes décédés et un survivant, Victor Caroon (Richard Wordsworth). Le professeur Quatermass (Brian Donlevy), responsable de la mission, enquête sur la cause de la mort de ses hommes. Il s'avère que Caroon est l'objet d'une mutation le transformant progressivement en monstre.

Le Monstre est historiquement fondamental du fait que son succès au box-office a modifié l'orientation cinématographique de la société Hammer Film Productions. Alors essentiellement dévouée au film policier, elle se réorientera autour de la science-fiction (genre qu'elle avait déjà exploré occasionnellement et dans lequel Terence Fisher œuvra) puis du cinéma fantastique, avec notamment les films fondateurs Le cauchemar de Dracula et Frankenstein s'est échappé réactualisant les classiques de la Universal des années 30, Peter Cushing et Christopher Lee remplaçant Bela Lugosi et Boris Karloff. Mais revenons-en au Monstre et à Val Guest...



Exemple de la capacité des bons artisans de la série B à s'élever au-dessus des contraintes budgétaires, Le Monstre sait parfaitement gérer le suspens grâce à des procédés faisant appel à l'imagination du spectateur. Une fois la mutation en une sorte de plante alien repoussante accomplie, Guest parvient à suggérer le gigantisme de celle-ci par un jeu de perspectives rappelant le travail de Jack Arnold sur des films comme L'homme qui rétrécit. De même, l'astuce scénaristique consistant à faire trouver par Quatermass et ses hommes une sorte de version miniature du monstre à un double effet pratique : permettre aux personnages (et au spectateur) d'étudier le comportement de la créature, et suggérer par litote le danger que représente celle-ci (voir une sorte de gelée de quelques centimètres dévorer des souris laisse présager du pire quand la même gelée mesure six mètres de long). Les quelques moments ou l'on voit la chose sous sa forme finale sont concentrés sur les cinq dernières minutes du long-métrage sans que l'on ne ressente trop fortement son absence. En revanche, les scènes pré-mutation ou Caroon se comporte comme une sorte de créature de Frankenstein des temps modernes ne sont que peu convaincantes, moins à cause du jeu de Richard Wordsworth que du fait d'une certaine mollesse de la mise en scène lors de ces passages.


 

Un autre aspect intéressant est la personnalité très atypique du professeur Quatermass. Bourru, autoritaire et dénué de compassion, il représente un scientifique certes compétent mais pour le moins ambigu moralement. Ne se souciant ni du sort de ses hommes ni du danger auquel il expose les gens, seule la recherche semble avoir un intérêt à ses yeux. Loin du sentimentalisme facile de beaucoup de films catastrophes, Le Monstre permet au spectateur d'aborder avec recul les actes du personnage principal, sans condamnation évidente ni apologie. On pourra regretter un certain schématisme des autres protagonistes (la malheureuse Mme Caroon n'est guère aidée par le script) mais il aurait été difficile de leur donner une densité conséquente en moins d'une heure vingt. Brian Donlevy parvient à nous attacher aux pas d'un héros a priori peu sympathique tandis que Richard Wordsworth est remarquablement crédible dans un rôle peu évident. Notons que le film n'est pas exempt d'humour (la scène avec la femme alcoolique témoignant de sa rencontre avec le monstre) sans que celui-ci se montre trop envahissant.

Daté mais toujours aussi intriguant, Le Monstre est un classique qui sans atteindre les sommets Fisheriens de la Hammer supporte agréablement le poids des ans. Il fera l'objet de deux suites cinématographiques, La Marque, réunissant de nouveau Donlevy et Val Guest, et Les Monstres de l'Espace, cette fois-ci sous la tutelle de Roy Ward Baker.

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